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Channel: Commentaires sur : Johnny Guitare (1954) de Nicholas Ray
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Par : GARNIER

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FAIS MOI MAL JOHNNY : DIS MOI QUE TU M’AIMES
Johnny arrive en cavalier solitaire, sans arme, sa guitare accrochée à son dos au milieu des explosions d’un décor sauvage et hostile. On ne voit jamais la ville, juste la grande bâtisse, maison de jeu et saloon au milieu de nulle part, balayé par les poussières de sable soulevées par les vents, où jamais personne ne vient consommer. C’est dans ce lieu aussi luxueux qu’inattendu qu’il entre, c’est là que demeure et travaille Vienna, la patronne, femme de tête qui porte la culotte (pantalons noirs moulés et colt attaché à la ceinture, chemises d’homme (avec lavallières), cheveux courts, virilité affichée pour affirmer indépendance et liberté)
Qu’est ce que ces deux solitaires ont à voir? Pourquoi Johnny échoue t’il ici ? Qu’attend Vienna seule et isolée ici? Car dans ces destinées dont nous ne savons pas encore l’avenir, il y a le passé, lourd pour chacun
On aura les réponses à toutes ces questions et bien d’autres, mais ce qui compte pour l’heure c’est le rapport et comportement étranges des deux oiseaux tourmentés, empêchés, car ils ont été amants jadis dans une autre vie. Sterling Hayden et Joan Crawford (qui ne s’appréciaient pas beaucoup) forment ce couple atypique et plausible, dont la jeunesse est passée, mais follement lyrique
– « Dis moi un mensonge. Dis moi que tu m’aimes »
– « Je dis un mensonge. Je dis que je t’aime »
– Dis moi que toutes ces années tu m’as attendu. Dis le moi  »
– Toutes ces années je t’ai attendu…. »
– « Que si je n’étais pas revenu tu serais morte »
– « Si tu n’étais pas revenu…. »
– « Que pas une seconde tu n’as cessé de m’aimer »
– Pas une seconde je n’ai cessé… »
(dialogue rejoué par Adjani et Depardieu dans Barocco de Téchiné)

Lorsqu’Emma (la rivale haineuse et tout en noir de Vienna) arrive en tête d’une cohorte d’éleveurs chargés de très mauvais sentiments et qu’après les avoir toisé elle se retourne et force les portes du saloon, nous la suivons et découvrons Vienna, seule dans sa longue robe blanche virginale de bal, assise au piano à queue (où est posé un révolver à coté d’un chandelier) jouant la mélodie /chanson du film (un tube à l’époque, signé Victor Young) devant un mur ressemblant à une grotte, le baroque du lieu, de la situation, des costumes, des couleurs, de la lumière bat son plein. C’est le premier film en couleur de Ray et il s’est adonné à en parer dans des teintes primaires et vives un échantillonement quasi psychanalytique

Le film, bâti pour sa star Joan Crawford, hisse une femme en tête d’affiche d’un western, chose tellement rare à l’époque (car à par Marlène Dietrich dans le film de Fritz Lang on ne voit pas un autre exemple) que la pub fut faite autour de cette symbolique; il suffit de voir l’affiche postée par Lui. Elle, le titre, et tous les autres derrière
Avec ses grandes lèvres rouges, ses grands yeux fixes ou passe soudain une lueur troublée, ses expressions figées, son maquillage blafard, la ténacité de son personnage cerné de partout et par tous, dans un étau de violence, sauvée en quelque sorte par l’amour renaissant, Crawford réussi une forte composition qui lui vaut même, dans ce scénario de chasse aux sorcières sous ère MacCartyste – exactement comme High noon -, un happy-end amoureux improbable mais salutaire
Assez fraîchement reçu à sa sortie, pas forcément bien compris (juste 2 semaines d’exclusivité à Paris en 1955 et quand même 70 000 spectateurs), le film devint un classique


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